Oubliée depuis 50 ans, une base nucléaire américaine pourrait ressortir des glaces au Groenland.
La fonte des glaces du Groenland révélée par les spectaculaires images d'un drone par Gentside Découverte
Une nouvelle étude suggère qu'à cause du changement climatique, une ancienne base américaine construite au Groenland pourrait ressortir des glaces 50 ans après avoir été abandonnée. Le problème est que cette base est encore remplie de nombreux déchets y compris chimiques et radioactifs. Environ un billion de tonnes. C'est la quantité de glace qu'aurait perdue le Groenland entre 2011 et 2014, selon une étude menée par l'Agence spatiale européenne (ESA) grâce au satellite CryoSat. Mais cette fonte des glaces n'impacte pas que les écosystèmes et la montée des océans, elle pourrait aussi avoir des conséquences plus inattendues. C'est ce que révèle une équipe internationale dans une étude publiée par la revue Geophysical Research Letters. Les scientifiques y expliquent comment la fonte des glaces du Groenland pourrait faire réapparaitre une base militaire américaine oubliée depuis des décennies. Connue sous le nom de Camp Century, cette base a été construite en 1959 durant la Guerre froide. Une cité sous la glace A cette époque, l'Arctique constituait un enjeu important car il représentait la route la plus courte entre les États-Unis et l'Union soviétique. En avril 1951, les États-Unis et le Danemark se sont accordés pour défendre le Groenland, un territoire danois, des attaques soviétiques. Cette année-là, ils ont ainsi construit plusieurs bases à travers l'archipel. Camp Century est l'une d'entre elles. Elle fut bâtie à 200 kilomètres des côtes et incrustée complètement dans la banquise. Une situation qui lui a valu le surnom de "cité sous la glace". Ses objectifs officiels étaient de servir de base pour tester des techniques de construction en Arctique et conduire des recherches scientifiques. En opération, elle abritait ainsi entre 85 et 200 soldats. Toutefois, elle servait également à mener un programme top secret. Nommé Project Iceworm et caché au gouvernement danois, celui-ci visait à tester la possibilité de construction d'une base de lancement de missile nucléaire, suffisamment proche pour atteindre l'Union soviétique. Similaire au Camp Century, la base en question devait s'étendre sur quelque 4.000 kilomètres de long sous la glace et être capable de déployer jusqu'à 600 missiles nucléaires. Néanmoins, le projet n'a jamais abouti et le Camp Century a finalement été abandonné quelques années plus tard, en 1967. A cette époque, les ingénieurs de l'armée ont retiré le réacteur nucléaire qui alimentait la base mais ont laissé sur place les infrastructures comme les déchets nucléaires, biologiques et chimiques, pensant que la glace et la neige suffiraient à sécuriser la zone pour l'éternité. Ils avaient tort. 100 terrains de football de déchets L'affirmation selon laquelle n'importe quel déchet pourrait être enterré pour l'éternité sous la glace est irréaliste, a commenté dans un communiqué, James White, scientifique de l'Université du Colorado, non impliqué dans l'étude. "La question est de savoir si cela va sortir dans des centaines d'années, des milliers d'années ou des dizaines de milliers d'années", a-t-il expliqué. Restait à savoir ce que contient exactement Camp Century aujourd'hui enterré sous les glaces. Pour le découvrir, William Colgan de l'Université de York à Toronto et ses collègues ont réalisé un inventaire détaillé des déchets contenus dans l'ancienne base. Ils sont arrivés à la conclusion que ces derniers représentaient au total une surface de 55 hectares, soit 100 terrains de football. Le site contiendrait notamment 200.000 litres de gazole, soit suffisamment pour qu'une voiture fasse 80 fois le tour du globe. A cela, s'ajouteraient des polychlorobiphényles (PCB), des composés considérés comme toxiques pour la santé humaine et polluants pour l'environnement, ainsi que 240.000 litres d'eaux usées et un volume non déterminé de liquide radioactif issu du réacteur nucléaire utilisé à l'époque. Un inventaire qui donne à réfléchir. D'autant plus que les chercheurs l'ont couplé à des simulations climatiques préoccupantes. Un danger significatif pour l'environnement "Quand nous avons étudié les simulations climatiques, celles-ci ont suggéré que plutôt qu'un enneigement perpétuel, le site [enterré sous des dizaines de mètres de glace] pourrait connaitre une fonte nette dès 2090", a commenté Colgan. "Une fois que le site sera passé de l'enneigement à la fonte, ce ne sera qu'une question de temps avant que les déchets ne ressortent. Cela devient irréversible". D'après l'étude, Camp Century représenterait ainsi un danger significatif pour l'environnement. Si les glaces fondent, les déchets et notamment les polluants pourraient s'échapper et être transportés dans les océans où ils perturberaient les écosystèmes marins. "Cette chose allait sortir un jour ou l'autre, mais le changement climatique a actionné la pédale d'accélérateur et dit 'cela va sortir bien plus rapidement que vous ne pensiez", a commenté James White. Pour l'heure, les scientifiques ne prônent pas le démarrage d'opérations de nettoyage qui pourraient s'avérer aussi coûteuses que difficiles techniquement. L'étude soulève en revanche des questions sur la responsabilité des différents pays dans l'affaire. Si la base est américaine, elle a été approuvée par le Danemark et construite au Groenland qui possède maintenant son propre gouvernement. L'étude met ainsi en lumière les difficultés que comportent parfois la gestion des problèmes environnementaux à l'échelle globale. Alors que l'Arctique suscite de plus en plus d'intérêts à travers le monde, "la façon dont nous gérons Camp Century et les sites similaires est un précédent important à créer", a conclu Colgan repris par Climate Central.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire